Episode 19: Cristina et sa relation avec ses langues maternelles

Dans ce nouvel épisode, j'invite mon amie Cristina à nous parler de sa relation avec sa langue maternelle, le russe mais aussi avec le français qu'elle appelle sa "langue maternelle adoptive". 
Ensemble, nous explorons la richesse des langues, les défis de leur apprentissage, et les nuances qu'elles apportent, notamment lorsqu'il s'agit d'exprimer ses émotions ou de dire "je t'aime"

Salut à tous et bienvenue dans un nouvel épisode de Je parle français, ton podcast 100% français pour les apprenants comme toi de niveau intermédiaire. Je suis Léa, ton animatrice et je suis ravie de t'accompagner dans ce voyage linguistique. Aujourd'hui, j'ai le grand honneur d'avoir comme invité mon amie Cristina. Cristina et moi, nous nous sommes rencontrés à Lisbonne. Elle est également danseuse et elle parle plusieurs langues. Cristina est française, elle parle également anglais, portugais et elle a appris aussi l'arabe. C'est pourquoi j'ai décidé de l'inviter sur ce podcast pour qu'elle partage avec nous sa relation avec les langues. N'oublie pas que toutes les transcriptions des épisodes sont disponibles sur mon site web jeparlefrancais.com. Alors installe-toi confortablement avec ta boisson préférée et profite de cet épisode plein de découvertes. C'est parti!

Leah: Ok, Christina, peux-tu te présenter et nous dire combien de langues tu parles?

Cristina: Je m'appelle donc Cristina, Cristina ou Cristina. Ma langue maternelle c'est le russe, celle avec laquelle je suis née, que j'ai apprise en premier. Ensuite, je parle français et maintenant je parle aussi portugais. Donc je dirais que je parle trois langues couramment.

Leah:Donc tu parles russe couramment.

Cristina:Alors voilà, je dis trois parce que dans le russe, je compte plus comme langue parlée couramment. Ok. Ouais. J'ai appris l'arabe aussi pendant quatre ans, mais je dirais pas non plus que je parle couramment du tout.

Leah: Donc les langues que tu parles couramment sont portugais, français, anglais.

Cristina: Exactement, tout à fait.

Leah: Ok. Et quelle est la première langue que tu as apprise?

Cristina: Alors, la première langue que j'ai apprise, donc c'est le russe. Mais en fait, j'en ai même appris une autre en même temps, parce que je suis née en Moldavie. Et en Moldavie, on parle russe, mais on parle aussi Moldave, qui est en fait du roumain. Et en... Donc je... comment dire... Je me souviens plus du tout avoir appris le Moldave, puisque dans ma famille on parlait plus russe. Mais je sais voilà, du côté de mon père, ils étaient Moldave. Enfin ils sont toujours Moldave d'ailleurs. Et donc le russe, voilà, c'est la langue de mon enfance. Mais comme je... ensuite je suis arrivée en France quand j'avais 6 ans, j'ai fait une sorte de rejet ou de négation de ma langue maternelle pour apprendre exclusivement le français et me dédier au français. J'ai dit à ma mère en fait que je voulais plus qu'elle me parle russe et ça a duré comme ça huit ans. Donc depuis mes six ans jusqu'à... voilà, huit ans.

Leah: 14

Cristina: 14, merci! Et après ensuite j'ai voulu réapprendre le russe quand j'ai dû aller à l'université, donc à 18 ans. Et j'ai en fait réappris ma langue maternelle avec les français, les petits français, mais qui étaient très doués.

Leah: Mais maintenant tu comprends et peux avoir une conversation en russe.

Cristina: J'aimerais bien mais je dirais que c'est pas du tout aussi simple. C'est pas du tout aussi simple parce que je n'ai plus du tout... je parle plus du tout couramment. Donc c'est vraiment le russe, c'est la langue que j'ai étudiée pour la littérature, c'était des... voilà, c'était une licence en russe, en anglais et en russe, et donc tout le vocabulaire que j'avais, c'était du vocabulaire de littérature, d'histoire, de sciences politiques, mais très peu de vocabulaire de la vie de tous les jours. Donc... et puis ce qui s'est passé, c'est que je... Oui, c'est que j'étais pas du tout dans une communauté rusophonne. Dès que je suis arrivée en France, je suis restée... J'étais que dans un environnement français. À l'école, j'étais... Je pense la seule, enfin je me souviens avoir été la seule à ne pas être née en France. Au début, au primaire. Et... Oui, c'est comment dire... Je pense que ça a été une grande frustration pendant plusieurs années où j'avais l'impression d'aller derrière cette langue maternelle que je suis triste et que je n'ai pas envie d'oublier. Parce que je sens aussi que je n'arrive pas à l'oublier complètement. Je sais il y a plein de choses, enfin je sais lire et écrire sans problème, mais enfin sans problème. Pas autant de fluidité qu'en français par exemple, ça c'est sûr. Mais ce qu'il y a, c'est que je suis plus du tout dans un environnement rusophone. Je dirais que c'est ça qui m'a toujours un peu... comment dire, qui a été un frein à ce que mon russe puisse s'améliorer d'année en année. Et ce qu'il faut savoir, après cette première licence de russe, j'ai fait une autre, j'ai continué à faire une autre licence de russe, mais cette fois-ci plus dans le domaine des relations internationales, donc de la politique internationale. Et une fois de plus, j'ai pas du tout, j'ai pas réussi, j'avais pas la volonté de m'y mettre, de m'y dédier totalement.

Leah: Mais alors est-ce que tu considérais plus ta langue maternelle étant française? Parce que c'est assez... T'étais quand même très petite. Oui. Quand tu as appris le français, ça reste quand même... Enfin moi je t'ai écouté parler français et j'ai toujours pensé que t'étais française.

Cristina: Merci. Alors, on me dit souvent soit que j'ai un accent, mais on me dit souvent un accent qui vient de partout sauf de là où je viens vraiment. Alors c'est marrant, donc j'ai l'accent bruxellois. Ouais, j'ai un R très fort. Fort. Donc Bruxelles, alors Bruxelles ou Suisse parfois, je sais, voilà. Mais quand on me voit, on me dit, ah, tu viendrais de l'Est, très certainement, de Pologne, Allemagne, Finlande aussi, j'ai eu. Mais non, je me dis quand même, oui, je suis française. Je suis française. Je dirais que oui, par conséquent le français c'est ma langue maternelle d'adoption.

Leah: Ok.

Cristina: Parce que c'est devenu ma langue maternelle. C'est la langue dans laquelle je pense, c'est la langue dans laquelle je compte. Maintenant je rêve en portugais par contre. Ça m'arrive de plus en plus. Et alors avec le portugais, il s'est passé un truc magnifique. C'est que j'avais l'impression de reparler ma langue maternelle, mais tout en ayant... avec un vocabulaire de langue latine. Parce que le portugais, la prononciation du portugais, je trouve, ressemble beaucoup à la prononciation russe, qui est une prononciation un peu fermée et puis ouverte et... Voilà, mais ça reste une langue latine. Leah: Comment t'as appris le portugais, alors?

Cristina: Le portugais, alors j'ai appris... J'ai appris par moi-même. J'ai appris par moi-même. Je suis arrivée au Portugal. Je parlais pas un mot de portugais, mais je suis arrivée au Portugal pour faire une formation de danse. Et en fait, le vocabulaire que j'ai appris, c'était dans la danse. Enfin, dans la danse, dans le domaine de la danse, du coup avec le vocabulaire du corps, le vocabulaire de l'anatomie, toutes les directions possibles dans l'espace, le temps. Et donc ça, c'est quand même très utile aussi pour la vie de tous les jours. et ensuite je travaille dans un resto dans un restaurant aussi à côté et je pense que ça, oui, ça m'a... J'ai dû... J'ai été confrontée au fait d'apprendre rapidement et de comprendre rapidement ce qu'on me dit. Et comme je parlais déjà français, je dirais que c'était pas si compliqué, vraiment. Je dirais qu'au bout de six mois, je pouvais comprendre vraiment pas mal de choses, quasiment tout ce qui se passait autour de moi avec le français. une langue latine mais la prononciation en portugais est très très différente.

Leah: Ok est-ce que tu peux expliquer un peu plus précisément comment tu as appris le portugais. Genre t'as dit t'as appris en étant dans une formation de danse. Mais est-ce que à côté de ça, tu lisais, tu écoutais des podcasts, tu avais un tuteur ou tu rentrais dans des groupes vraiment portugais etc. ou est-ce que t'as pris des cours, est-ce que t'as fait une formation? Genre ça a été quoi vraiment ton apprentissage parce que tu parles très très bien portugais. Donc c'est intéressant je pense pour ceux qui écoutent de savoir comment tu as fait en étant dans le pays pour apprendre aussi bien la langue.

Cristina: Alors comment j'ai appris le portugais? Concrètement, la première chose que j'ai faite, j'ai acheté un livre. J'ai acheté un livre d'une méthode de langue que je connaissais déjà et qui s'appelle Assimil. Et donc c'est une méthode, par exemple, j'avais commencé l'anglais, comme ça. Et cette méthode-là, c'est une méthode qui met en contexte. Qui met tous les éléments de grammaire, de syntaxe, de conjugaison, tout est mis en contexte. Et c'est ça que j'aimais beaucoup dans cette méthode. Ensuite, pour être honnête, je pense que j'ai fait les 20 premières pages. C'est une étape qui en avait 100 au moins. Ok. Mais c'était de...

Leah: Ça a bien marché.

Cristina: Mais je crois que c'était le plus important qui avait dansé la première page. Ok. Donc c'est pour ça que j'ai... Je fais encore des erreurs avec le subjonctif. Je pense qu'il faut que je vois le subjonctif dès que possible. Là il est temps. Bon, on rigole mais le fait d'avoir acheté un livre et j'ai été très assidue du coup pendant ces 20 premières leçons et ensuite c'est vraiment... du coup avec ce livre j'ai vraiment eu les bases correctes, on va dire d'une grammaire correcte en portugais. Chose qui dans la vie, soit dans la vie de tous les jours, personne ne parle aussi correctement que dans un livre de grammaire. Mais, et surtout là, c'est la façon de parler, en fait, je dirais. Et du coup, comme j'étais dans cette formation de danse, c'est là où j'ai vu du coup la mise en pratique de ces éléments de grammaire que j'avais vus dans mon livre, mais qui étaient dit d'une manière beaucoup plus différente. Parfois bien mieux, parfois... voilà. Je pense que ce qui m'a... comment j'ai appris cette langue, comment j'ai appris le portugais, je pense que c'est le... C'est aussi dû aux, comment dire, à toutes ces années où j'ai passé à apprendre des langues, de l'anglais et le russe et l'arabe, on va dire toute cette manière, toute cette façon de... comment dire... d'écouter et d'entendre, de ne surtout pas... de ne pas se bloquer quand il y a un mot que je ne comprends pas. Mais ça, c'est de l'entraînement aussi, je ne dis pas du tout que c'était inné. Mais moi, je dirais qu'il y a quelque chose comme ça vraiment qui me fascine et qui... j'ai l'impression de découvrir des mystères qui se trouvent... derrière ces mots que je ne comprends pas. Et du coup, voilà, je suis toujours... Le fait d'arriver au Portugal, d'être entouré de mots que je ne connais pas, les six premiers mois, pour moi, c'est les six... les mois les plus excitants... et les plus stimulants, quand on apprend une langue, quand on apprend une nouvelle culture, parce que... Parce que je... En tout cas pour moi, je me retrouve avec une ouverture et une absorption. Je veux absorber tous les mots, tous les mots qui me viennent. Et en fait, rien que de regarder, que d'écouter, d'écouter en fait. La méthode assimile par exemple, elle marche beaucoup comme ça. Le fait d'écouter, d'écouter des sons, d'habituer son oreille à des sons qui ne sont pas familiers, c'est la première étape en fait pour apprendre une langue. bien avant que d'apprendre la grammaire, bien bien avant. Et ensuite, après avoir, ok, être familier avec ces sons devenus connus, ces sons nouveaux devenus connus, et bien la grammaire, c'est comme si elle faisait beaucoup plus sens. Elle est une intègre beaucoup plus facilement. Voilà, est-ce qu'il faut... Je dis pas qu'il faut faire six ans d'études pour apprendre n'importe quelle langue, pas du tout. Mais sauf que si notre cerveau, il est toujours en train d'apprendre quelque chose de... de nouveau, je pense qu'il y aura beaucoup moins de peur, il y a beaucoup moins de peur à recevoir quelque chose qu'on ne comprend pas ou qu'on ne connaît pas.

Leah: Y a-t-il une langue dans laquelle tu te sens plus à l'aise d'exprimer tes émotions?

Cristina: Hum... Je dirais que c'est très difficile dans toutes les langues en fait.

Leah: Ok, ça aide ça.

Cristina: Exprimer ses émotions. Ouais, je trouve que c'est quelque chose de difficile à faire avec des mots. Bon, comme j'aime beaucoup la danse et que je crois énormément dans l'expression du corps. je dirais que beaucoup peut être transmis et beaucoup beaucoup beaucoup de choses peuvent être exprimées avec le corps là où les mots justement semblent assez limités mais je trouve maintenant je pense aussi en fait un peu le contraire c'est que le corps aussi ne peut pas tout exprimer c'est que je pense que l'un ne pourra jamais remplacer l'autre le corps ne peut pas remplacer les mots et les mots ne pourront pas non plus remplacer le corps et je pense que plus on essaye d'arriver à s'exprimer dans ces deux champs qui semblent assez différents mais qui en fait peuvent être très complémentaires, on pourra en fait s'exprimer aussi de plus en plus facilement et surtout exprimer de plus en plus de choses. Donc je réponds pas du tout à la question mais je dirais...

Leah: Dans quelle langue est plus simple pour toi de dire je t'aime?

Cristina: En fait ça dépend à qui je vais dire je t'aime. Ça dépend vraiment de la personne à qui je vais dire je t'aime et c'est vrai que chaque langue a un je t'aime très particulier. Et alors on va commencer par le russe. Quand je dis je t'aime, pour moi le je t'aime en russe, qui est yati balublyo. C'est ce que je disais à ma babushka, à ma grand-mère. Babushka, ça veut dire grand-mère. Et je me souviens quand j'étais petite que je disais ça tout le temps. Quand t'es petit, t'as pas ce... “Oh mon Dieu, qu'est-ce qui se passe?” Je dis je t'aime. Non, ça c'est quand t'as 13 ans que ça commence, cette merde. Mais quand t'es petit, tu veux... Enfin moi, je me souviens, je disais tout le temps je t'aime à ma bâ, à Boushka, à ma mère. Et donc c'est un je t'aime vraiment très familial. Et donc maintenant, j'ai plus l'occasion de le dire aussi souvent. Et ensuite le je t'aime en français, ouais c'est bizarre, c'est bizarre parce que je... même quand je l'ai déjà dit, mais ça me faisait vraiment bizarre, c'est comme si ça m'appartenait pas vraiment. Quand je sens que c'est... Je comprends ce que ça veut dire ce mot là. Mais... Ouais, c'est comme s'il y avait une distance. C'est comme s'il y avait une distance. Et c'est là que j'ai l'impression, wow, que ce mot là, il ne représente pas vraiment ce que j'ai, ce sentiment d'aimer, que j'ai envie de dire. Donc en français, il n'est pas assez puissant pour toi. Il n'est pas assez représentatif de aimer. Pour moi, ouais. Ouais, ouais, je dirais ça, ouais.

Leah: Et en portugais?

Cristina: Hum. En portugais pas encore. En fait bizarrement en anglais, je sais que c'est quelque chose, voilà en anglais c'est quelque chose qui est I love you ça se dit très facilement un peu, un peu sans sans beaucoup d'attache mais... Mais moi je me souviens, ouais, je... Je crois que les relations que j'ai eu et où j'ai parlé en anglais, elles ont été beaucoup plus marquantes que les relations que j'ai eu en français. Et ouais, du coup, pour moi, le dire I love you en anglais, ça... Il y a une certaine charge émotionnelle et qu'il n'y a pas forcément en français. Puis je trouve que c'est cool l'anglais. C'est cool, là-bas. Ouais, j'avoue.

Leah: Pour moi, c'est un peu l'inverse. Ok, oui. En anglais, il n'a pas autant de pouvoir que... français. En français c'est très fort pour moi de le dire et je pense qu'il a une... ouais pour moi le je t'aime en français il a plus de pouvoir qu'en anglais ou même qu'en espagnol ou en portugais tu vois. Et aussi je vais pas dire... par exemple en espagnol je pense c'est très normal de dire te quiero à tout le monde. Tu dis ça à tes amis, à des gens que tu connais à peine, c'est un truc très... parce qu'ils sont très ouverts, très à dire tout le temps. Pour moi en anglais c'est un peu la même chose, c'est un peu ce truc... ça fait un peu “branding”, je trouve, I love you. Pour moi c'est comme ça que je le vois. Mais par contre en français, comme je le dis vraiment que à ma sœur ou à mes parents et même à mes parents, c'est quelque chose qui sort pas naturellement ou instinctivement. Genre, je ne sais pas que je me force mais... On n'a pas cette éducation de vraiment se dire je t'aime. Il n'y a que avec ma soeur où c'est tellement naturel qu'on le dit très fort, mais du coup, ça va être très dur pour moi, je pense, si un jour je suis en relation avec quelqu'un, s'il parle français, de le dire en français, c'est très difficile, ça va prendre du temps quoi. Alors qu'utiliser notre langue pour rigoler, pour le dire, c'est beaucoup plus simple, tu vois.

Est-ce que tu penses que la personnalité d'une personne change selon la langue qu'elle parle?

Cristina: Je pense qu'on est différent en fonction de la langue qu'on parle. Oui. Je pense que chaque langue a des spécificités, que chaque langue nous fait sentir un peu différent. En tout cas, si je parle... Voilà, si je parle pour moi, je me sens différente. Je me sens différente, je me sens beaucoup plus légère et beaucoup plus... easy going. En anglais, par exemple. Et l'anglais, par exemple, j'adore parler anglais. C'est vraiment... Ouais, j'adore. Je trouve que c'est une super belle langue. Maintenant, j'aime de plus en plus parler portugais. J'aime vraiment de plus en plus. Mais je sens aussi, je suis peut-être un peu plus timide en portugais parce que je suis encore dans cette phase où je pense que je ne maîtrise pas encore entièrement la langue. En tout cas, je sens qu'il n'y a pas autant de fluidité qu'il y a en anglais. En fait, je ne sais pas si on est schizophrène comme ça à chaque fois qu'on change de langue. Je pense qu'il y a quand même toujours la même essence de la même personne qui reste. Mais c'est... Mais comment dire... langue a des expressions différentes, à une manière de parler il y a des intonations différentes et le français par exemple c'est une langue qui est un peu monotone, c'est une langue qui se termine toujours vers la fin du mot, c'est une langue voilà, c'est comme ça, il y a cette intonation qui va toujours vers le bas qui peut-être rend cette langue un peu plus sérieuse que les autres alors que... Whereas English as a language, you can really do whatever you want with it and you can really jump out of words, you can actually mix words a lot and you can... yeah, you can actually create new words a lot because this is what this language permits, it allows you to do so. Mais alors quand tu parles russe par exemple, alors là... Alors ouais, c'est marrant, le russe, j'ai absolument aucune hésitation. Je pense que mon voix est aussi... Ah, c'est... Je ne sais plus, je ne sais plus, je ne sais plus ce que vous dites. Mais vous voyez, je pense que c'est la même tonation, la voix est différente dans chaque langue. Et en portugais, alors? Alors, en portugais... Plus...

Leah: Devagar.

Cristina: Devagar, plus relaxée. Mais à chaque fois que tu éteins, à chaque fois que tu change de langue, es-tu une personne différente? Je ne pense pas que c'est aussi clair. Ou alors, il y aurait vraiment un problème. Il faudrait vraiment. Leah: Il faudrait aller consulter.

Cristina: Ouais maintenant que j'y pense, j'ai l'impression que c'est plus une sensation. C'est marrant, c'est en plus une sensation qu'un... Wow, un changement radical de personnalité. Ouais c'est marrant en anglais il y a quelque chose de plus joyeux, il y a quelque chose de... Mais je pense que c'est aussi lié tu vois à tous les films qu'on regarde, tous les films, toutes ces séries, il y a beaucoup de... L'humour anglais par exemple. Bon en français aussi il y a plein d'humour, j'adore l'humour français aussi mais... Ouais moi je dirais ouais c'est ça, c'est vraiment une question de sensation que je ressemble plus dans... Ouais, dans chaque langue. Et c'est comme si je pouvais situer dans certaines parties du corps, je dirais que le russe, c'est au niveau de la poitrine. Je sens qu'il y a quelque chose au niveau de la poitrine qui est plus grave, qui est plus fort. Le français, je dirais, c'est plus mental. C'est quelque chose de vraiment, ouais, mental. Je sens, je pense. L'anglais... L'anglais je dirais c'est le sourire. L'anglais c'est le sourire, le portugais. Le fait de pouvoir mettre en comparaison... tout en fait. De pouvoir comparer, de pouvoir... je sais pas comparer... avoir différentes perspectives. En fait, ça permet vraiment de relativiser sur ce que tu penses être vrai, sur ce que tu penses même être juste dans un pays ou dans une culture, vraiment ne pas l'être dans une autre. En fait, ça permet d'enrichir sa propre façon d'être. En fait, ouais, d'avoir différentes grilles de lecture, d'avoir différents concepts qui nous permettent d'avoir des références par rapport à des valeurs, par rapport à des... ouais. Je pense que les langues, c'est un moyen comme un autre qui nous permet d'apprendre certaines valeurs. Tu vois, le fait d'exprimer la gentillesse dans une langue, comment le faire dans une langue, en fait, ça peut aussi nous aider à le faire dans une autre. Ouais, exprimer l'affection, c'est vrai, on parlait du je t'aime tout à l'heure, mais je pense avant même de dire je t'aime, il y a une manière d'exprimer l'affection qui peut être faite... Si tu parles quatre langues, et bien t'as quatre manières d'exprimer l'affection. Et ça c'est génial parce que ça veut dire qu'il y a encore plein d'autres.

Leah: Tout à l'heure, t'as dit que t'as aussi appris l'arabe. Est-ce que t'as arrêté d'apprendre? T'en es où dans ton apprentissage de l'arabe? avec cette langue?

Cristina: Malheureusement oui, je n'apprends plus l'arabe aujourd'hui. Je lis quand même toujours de temps en temps. J'ai gardé tous mes livres d'arabe, j'ai gardé toutes mes leçons. Je m'entraîne à écrire aussi de temps en temps. parce que j'aimais beaucoup la calligraphie. C'est quelque chose que je voulais beaucoup faire quand j'ai... En fait c'était l'une des raisons pour laquelle je voulais apprendre l'arabe. Je voulais faire de la calligraphie et m'entraîner, voilà, m'entraîner à ça. En fait la raison pour laquelle j'ai appris l'arabe, c'est que je me rendais compte à quel point je ne connaissais pas du tout cette langue. et à quel point j'avais peur d'avoir des préconçus, des préconçus ou des idées reçues. Et en fait, j'ai vraiment envie de savoir quelle est la vérité. Quelle est la vérité dans ce qu'on dit? Quelle est la vérité, même quand on nous apprend quelque chose? Et j'avoue que le prof d'arabe que j'ai eu, le premier prof d'arabe, m'a énormément motivée et je trouvais que c'était quelqu'un de fascinant et qu'il y avait énormément de charisme et de... Et voilà, quelqu'un qui était passionné, passionné par la langue. Et donc je dirais que, en fait, tous ces profs-là qui m'ont donné envie d'apprendre des choses que jamais j'aurais eu en... penser avoir envie d'apprendre. Ce sont ces profs-là qui ont été, qui sont juste passionnés par ce qu'ils font. Et pour moi, en fait, pour moi, ça me suffit pour me donner envie d'apprendre. Et... Et au-delà de ça, je pense qu'il y a vraiment ce côté du mystère. Il y a quelque chose de... Ouais, de mystérieux dans cette langue. dans la sonorité, la musicalité. Et je crois que j'avais aussi envie de me prouver à moi-même, OK, je peux encore... ça dire de nouveaux sons, découvrir, apprendre de nouveaux sons. J'ai appris que, ah oui ça je me souviens c'est ce que que notre prof d'arabe nous a dit ça, que les par exemple les russes et les allemands ce sont les deux enfin d'après son expérience ce sont les élèves qui ont le plus facilement réussi à prononcer l'arabe par rapport aux langues européennes, aux langues latines. J'aimerais oui mais je vais pas mentir que je sais pas comment ce serait possible. En ce moment, en ce moment, ouais c'est ça, en fait j'ai tellement envie d'apprendre tellement de choses que les choix se font pour moi en fait. Et ça, j'ai plus trop envie aussi. J'ai aussi envie maintenant beaucoup plus de choisir ce que j'ai envie d'apprendre, plutôt que de me lancer dans tout, et en fait de me retrouver dépassée partout, jusqu'à ce que je sois obligée de faire des choix et me dire « Ah non mais ça je ne peux plus... » Mais je crois toujours qu'il n'est jamais... Il n'est jamais trop tard pour revenir à ce qu'on a commencé d'apprendre. Et ouais, je suis optimiste et je me dis que peut-être quand j'aurai 80 ans, je reprendrai mes cours d'arabe.

Leah: Quelle prochaine langue tu voudrais apprendre?

Cristina: Le Sanskrit. C'est une langue...

Leah: morte.

Cristina: Voilà, morte. Je pense qu'elle est parlée par quelques bouddhistes encore. Mais une fois de plus, moi c'est le mystère qui m'intéresse. Est-ce que tu peux expliquer un peu ce que c'est le Sanskrit? Oui. C'est l'ancêtre des langues indiennes, du Hindi. mais qui remonte à très très très très très longtemps. C'est un peu comme l'équivalent du latin en Europe. Donc c'est une langue... Ouais voilà, c'est la langue des manuscrits, c'est la langue des Vedas, de ces livres hindous religieux, enfin de ces livres sur l'hindouisme. Donc voilà, c'est une langue qui a été écrite principalement pour transmettre la spiritualité, pour transmettre tous ces concepts mystiques.

Leah: Mais pourquoi du coup?

Cristina: Ok, parce que le sens cri, c'est juste que d'après ce que j'ai pu voir jusque là, voilà, ce que j'ai pu voir sur la langue, c'est qu'ils arrivent à mettre... Ils ont des mots qui transmettent une telle idée pas mais l'idée elle existe toujours le concept il existe toujours mais c'est une langue justement qui est tellement nourrie de mysticisme et qui est d'une telle richesse spirituelle que que bah oui, beaucoup de mots ne sont plus utilisés. Mais en fait, ce que je pense, en fait, c'est que des langues comme ça, comme le latin aussi, le sanskrit, ça... Pour moi, ce sont des langues qui détiennent une certaine vérité et à laquelle j'ai envie d'avoir accès.

Leah: Merci Cristina!

Cristina: De rien, merci à toi!

Leah: Est-ce que tu veux rajouter un petit mot ou est-ce qu'on est bon? Pour tous ceux qui apprennent la langue française. Cristina: Ah oui c'est vrai! J'ai vraiment tout oublié! J'aimerais vous dire, surtout ne vous découragez pas, qu'une fois qu'on pense avoir appris une langue, une fois qu'on pense connaître une langue, il y a tellement plus ensuite à découvrir. Ouais et surtout n'ayez pas peur. N'ayez pas peur de vous tromper. N'ayez surtout pas peur de faire des erreurs. Et surtout n'écoutez pas les personnes qui peut-être se moquent de vous parce que vous faites des erreurs. Parce que vous, vous pourrez grandir et en apprendre davantage. Et il faut faire des erreurs pour apprendre. C'est indispensable.

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